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Platon, le mensonge de l'art

4 Mai 2016 , Rédigé par Béatrice Lenoir Publié dans #antiquité

Platon, le mensonge de l'art

La critique platonicienne de l'art est célèbre. Entreprise dès le deuxième livre de La République, elle s'achève au dixième et dernier. Il importe tout particulièrement pour la comprendre de la replacer dans le cadre général de l'ouvrage. La République est une réflexion sur la nature de la justice: quelle est-elle? Comment peut-elle être réalisée? L'analyse a montré que l'individu est, comme la Cité, composé de différentes parties: l'âme se divise en trois éléments (le nous, esprit ou partie rationnelle, le thumos, ardeur ou courage, et l'epithumia, c'est-à-dire les appétits). A partir de là, la justice a pu être définie comme la subordination des parties inférieures à la partie supérieure, c'est-à-dire à l'élément rationnel, dont la fonction est de chercher à connaître le vrai. La justice est donc réalisée, dans une Cité comme dans un individu, quand toutes les parties concourent à la recherche de la vérité. Or, et c'est là le motif central de la critique de Platon, les arts imitatifs détournent de la vérité, ou, plus exactement, ils jettent la confusion sur sa nature. En effet, chercher la vérité, c'est d'abord se transformer, cesser de juger les choses par rapport à ce qu'elles sont pour nous, pour les contempler telles qu'elles sont en soi. C'est précisément ce qui est impossible lorsque ce n'est pas la raison qui commande aux deux autres parties de l'âme. Que ce soient l'ardeur ou les appétits qui dominent la raison, la vérité est assimilée à ce qui les satisfait, et la raison ne s'emploie plus qu'à justifier cette thèse.

Ce sont ces thèmes qui vont être développés au livre X; lorsque Socrate revient, pour s'en féliciter, sur l'expulsion des poètes hors de la Cité qui avait été décidée au livre III. Il entreprend de la justifier en définissant la production comme une imitation, puis en distinguant deux genres d'imitation: si les artisans imitent les Idées, puisqu'ils sont contraints pour réaliser leur ouvrage de connaître leur objet, ceux qui sont appelés "imitateurs" n'ont nul besoin de cette connaissance, dans la mesure où leur savoir-faire ne concerne que la production d'apparences. Dès lors, les oeuvres d'art ne peuvent montrer que les choses telles qu'elles sont pour nous, et non telles qu'elles sont en soi: elles nous renforcent ainsi dans notre tendance à croire que les choses existent seulement telles qu'elles nous apparaissent. Au livre X, la critique de l'art imitatif devient donc radicale: la condamnation ne porte plus seulement, comme au livre III, sur l'art qui amollit ou déchaîne les passions (398a-b) mais sur le principe même de l'art. Si l'art peut être utilisé à des fins d'éducation, il n'en demeure pas moins foncièrement dangereux, car il détourne nécessairement de la recherche d'une vérité transcendante.

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