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Catulle

4 Mai 2016 , Rédigé par Pierre Grimal Publié dans #latin, #antiquité, #Rome, #histoire littéraire

Catulle

C. Valerius Catullus, le plus grand et le plus original parmi les "poètes nouveaux", naquit vers 84 sur le territoire de la cité de Vérone, sans doute à Sirmio, dans la villa que possédait son père au bord du lac de Garde. Ce père était un grand seigneur de Vérone, et c'est chez lui que descendaient les magistrats romains en voyage dans cette région. Le jeune Catulle connut ainsi Clodia, la femme du préconsul de Cisalpine Q. Metellus Celer (en 62 et 61), dont il devint éperdument amoureux. L'histoire de cet amour forme pour nous la partie la plus émouvante, peut-être, en tout cas la plus célèbre de son oeuvre poétique.

Quand il connut Clodia (qui était la soeur de P. Clodius, l'ennemi de Cicéron), Catulle avait, depuis longtemps, fait ses premiers essais de poète. Dans le recueil de ses oeuvres figurent des épigrammes qui font allusion à des personnages et des faits divers de Vérone. Le poète les aurait-il écrites une fois parti de sa petite ville? C'est à Rome qu'il écrivit les plus importants de ses poèmes, ceux qui sont consacrés à Lesbia (tel est le nom dont il appela Clodia, qu'il comparait ainsi implicitement à Sappho, la poètesse et l'amoureuse de Lesbos). Les péripéties de ce roman d'amour ne nous apparaissent pas bien clairement: il y eut des jours (et au moins une nuit) de bonheur, mais aussi bien des souffrances parce que Clodia, quoi qu'on en ait dit, ménageait sa réputation et son honneur de grande dame, et probablement aussi parce qu'elle et lui ne concevaient pas l'amour de la même façon; il l'aimait en jeune homme, se plaisait à jouer avec l'idée qu'elle était pour lui une épouse; elle, au contraire, répugnait à ces liens, dont la mort de Metellus la délivra assez tôt. Et puis, elle était coquette, et s'entourait d'une brillante société de jeunes gens. Catulle, qui était l'un d'eux, mais aurait voulu être le seul - par les droits illusoires que donne un amour - s'aperçut qu'il n'était plus aimé, ou le crut, et le proclama dans des vers atroces où il prétendait que Lesbia se prostituait à tout venant, et ce fut la séparation, douloureuse pour lui, ennuyeuse, sans doute, pour elle: "J'aime et je hais, disait-il, veux-tu savoir pourquoi il en est ainsi? Je l'ignore, mais je sais que cela est, et je souffre."

Finalement, pour s'arracher à Rome, il accompagna, en 57 (l'année que Cicéron commença en exil et termina dans sa patrie), le préteur Memmius en Bithynie. Là, en Asie, il prit un contact direct avec le milieu intellectuel de l'Orient. Au retour (probablement), il compose ses poèmes les plus savants: L'Attis, une étrange évocation des rites de la déesse Cybèle, et surtout la célèbre "pièce 64", L'Epithalame de Thétis et de Pélée, qui est une petite épopée mythologique, dans le goût de Callimaque. Catulle mourut en 54, à trente ans.

Son oeuvre, faite de pièces très diverses, aux rythmes multiples, n'est pas encore celle d'un "élégiaque". L'élégie romaine ne naîtra vraiment qu'avec Gallus, dans la période suivante, mais l'expression vivante d'un sentiment personnel et profond a déjà conquis droit de cité dans la poésie. Catulle, par ce qu'il conserve de tumultueux, de recherché et, en quelque façon, d'impur, se rattache plutôt à ses prédécesseurs immédiats qu'aux poètes augustéens, qui formeront le "classicisme" de la poésie romaine. Il est pour nous le seul à émerger de cette production des Helvius Cinna, et des autres (...), condamnée si fermement par Horace dans son Art poétique, au nom du "retour au classicisme attique" qui sera le mot d'ordre (officiel, sinon toujours suivi) des augustéens. Mais il connaîtra une postérité lointaine, chez tous les poètes de l'époque impériale qui continueront à chercher des voies nouvelles pour exprimer leurs sentiments et leur donner, par la perfection d'une forme sans défaut, une sorte d'éternité.

Pierre Grimal.

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